Pochoir et spray, aquarelle, collage et grattage sur impression papier 210g
H.74,5 x L.60,5 cm
H.89,5 x L.76 cm (avec cadre)
Bio
1926 Naissance à Quimper (29)
1945/1947 Il étudie aux Beaux-arts de Rennes, où il rencontre le plasticien Raymond Hains. Il poursuit son cursus aux Beaux-arts de Nantes.
1949 Il commence, avec Raymond Hains, à créer des œuvres à partir d’affiches lacérées récoltées dans la rue.
1957 Première exposition à la galerie Colette Allendy (Paris).
1960 Jacques Villeglé signe, aux côtés d’Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Pierre Restany et Yves Klein, le manifeste du Nouveau Réalisme.
2008 Le Centre Georges Pompidou lui consacre une rétrospective intitulée « La Comédie Urbaine ». Jacques Villeglé est aujourd’hui représenté en France par la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois (Paris).
Le retour des pirates
Par Jacques Villeglé (1926, France)
« Dans les années 1930, les affiches étaient le journal de la rue. Les affichistes d’alors dialoguaient avec les peintres d’avant-garde. Très jeune, j’ai développé une culture de l’affiche et j’ai commencé à récolter des affiches lacérées dès les années 40. Je les choisissais pour leur aspect plastique, même si elles avaient parfois une résonance politique. Elles me semblent correspondre à cette définition de Maurice Denis, de 1880 : “Un tableau, avant de représenter une femme nue ou un cheval de bataille, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées”. Je ne suis pas contre la peinture, je ne crois pas à la fin de l’art. Je suis pour la peinture conceptuelle. Le cubisme est pour moi un point de départ important : ce n’est plus la réalité qui importe, c’est la géométrie. Je ne suis pas un bon dessinateur. Très tôt, à 17 ans, j’ai arrêté le dessin. A quoi bon, me suis-je dit, puis qu’il y a la photographie… Je voulais faire quelque chose d’inédit. La une d’un journal n’est finalement pas très différente d’une affiche. Celle-là en particulier : “Le retour des pirates” ferait un bon titre de film. Je n’ai pas pris en compte l’actualité liée à cette une. Comme je suis breton et marin, ce thème m’a inspiré. Les pirates et les corsaires font partie de ma mythologie de jeunesse. La tête de mort et le sabre me rappellent mes romans d’enfance. Les pirates, parmi tous les affreux de notre époque, font toujours rêver, et pas seulement les enfants ! Ce sont des “stars”. Cette attirance n’est pas une affaire de morale, elle relève du territoire de l’imaginaire. Pour cette une, j’ai commencé à travailler le matin, et j’ai fini le soir. J’ai utilisé les techniques qui me sont familières : le grattage, le collage, le bombage. J’ai employé des pochoirs que j’avais déjà. J’ai aussi repris l’alphabet socio-politique que j’ai créé en 1969 à l’occasion de la visite de Nixon au Général De Gaulle. Le résultat ne devait pas sembler fabriqué. Libération est un beau mot, peut-être plus encore pour ceux qui, comme moi, ont vécu la Libération. J’ai donc décidé de le respecter : si j’ai rajouté un peu de rouge, pour casser le logo, j’ai quand même laissé le nom ! Celui qui a conçu cette une ne se sentira pas agressé par ce que j’en ai fait, je crois même qu’il en sera amusé : j’ai accepté sa mise en page, je l’ai seulement exprimée d’une autre façon, plus personnelle. Je ne vexe personne… Sauf les pirates peut-être ! J’ai dédicacé cette une à Marc Dachy, le jour de son enterrement, le 16 octobre. Il m’a semblé que cette idée de retour des pirates lui aurait convenu. »